Substances toxiques
UFC que choisir Elsa Casalegno
UN objet du quotidien sur CINQ contaminé
Jouets, câbles de chargeurs, casques audio, tapis de yoga, gants de vélo, ballons, vêtements, chaussures, bijoux… Des doses excessives de substances chimiques dangereuses ont été mesurées dans d’innombrables objets vendus aux consommateurs, alerte l’Agence européenne des produits chimiques (Echa).
Des contrôles ont été effectués en 2022 par les autorités sanitaires des États membres de l’Union européenne sur 2 407 produits. Le constat est accablant : près de 20 % des objets visés par cette enquête présentent des teneurs trop élevées en diverses substances chimiques problématiques (lire l’encadré), avec des concentrations supérieures aux normes réglementaires. La contamination est principalement due à des pièces en métal ou en plastique. L’Echa énumère les problèmes les plus fréquents, dans un rapport publié le 13 décembre.
Appareils électriques (jouets électriques, chargeurs, câbles, casques audio, etc.)
52 % des produits contrôlés sont non conformes, principalement en raison de présence de plomb dans les soudures, de phtalates dans les plastiques ou de cadmium dans les circuits électriques imprimés.
Jeux (jouets de bain, poupées, déguisements, tapis de jeu, figurines en plastique, jeux d’extérieur, pâtes slime, articles de puériculture, etc.)
23 % contiennent des teneurs trop importantes, principalement en phtalates (dans les plastiques), mais aussi en HAP, nickel, bore ou nitrosamines. Si l’on se focalise sur les jouets électriques, ce sont 56 % d’entre eux qui diffusent des contaminants en trop grande quantité !
Équipements de sport (tapis de yoga, gants de vélo, ballons, poignées en caoutchouc, etc.)
18 % contiennent des phtalates et des paraffines chlorées dans le plastique, et des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) dans le caoutchouc.
Articles de mode (sacs, bijoux, ceintures, chaussures, habits)
15 % d’entre eux sont non conformes, principalement du fait de la présence de phtalates, plomb et cadmium, mais aussi de PFAS… Plus de la moitié des sacs et le quart des bijoux contrôlés sont non conformes.
Parallèlement, des contrôles ont été menés sur des mélanges (peintures, colles, etc.) : les non-conformités sont moins élevées (9 %) et concernent principalement des décapants (présence de dichlorométhane) et des glues (présence de toluène et chloroforme).
Des tests révélateurs
Nos tests montrent depuis longtemps cette contamination de notre quotidien par de nombreuses substances chimiques potentiellement cancérogènes, reprotoxiques, perturbateurs endocriniens : dans les médicaments, les fournitures scolaires, les produits du quotidien, les revêtements de sols, les tapis de yoga, les moules à gâteaux, les jouets, etc.
L’Echa signale qu’une partie des produits non conformes ont été retirés de la vente. Mais à peine plus de la moitié de ces infractions ont entraîné des sanctions à l’encontre des vendeurs.
Les importations de Chine plus contaminées
Mieux vaut acheter des produits « made in Europe ». En effet, les non-conformités sont plus importantes pour des articles importés de pays tiers (21 % de non-conformités) ou d’origine inconnue (22 %), tandis que la non-conformité des objets manufacturés sur le territoire européen n’est que de 9 %. Sans surprise, il s’agit principalement d’objets provenant de Chine, principal fabricant de produits de consommation. Concernant les vendeurs, ni les importateurs ni les market places ne s’avèrent très fiables : environ le quart de leurs offres (dans les catégories de marchandises ciblées par l’enquête) ne sont pas conformes.
Ces contrôles ne révèlent que la pointe de la face émergée d’un immense iceberg de substances chimiques qui envahissent notre quotidien. Plus de 100 000 molécules, au bas mot, entrent dans la fabrication d’objets de notre quotidien, alors que leur impact sur la santé et l’environnement reste largement méconnu. Or, les réglementations qui encadrent toutes ces substances (1) ne protègent pas assez les consommateurs, leurs failles étant largement exploitées par les industries qui produisent et utilisent ces molécules. De plus, les contrôles sont notoirement insuffisants et les contrevenants rarement punis.
Dans son rapport, l’Echa formule une série de recommandations pour améliorer la situation. Souhaitons qu’elles soient suivies d’effets : en 2018 déjà, elle soulignait des taux de non-conformité importants, pour les mêmes types de contaminants et sur les mêmes types d’objets de consommation courante… Quant à la Commission européenne, elle a publié en 2022, dans le cadre du Green Deal européen, sa feuille de route visant à planifier la restriction d’usage d’environ 7 000 substances chimiques toxiques présentes dans divers objets du quotidien. Sans effet notoire pour l’instant.
De graves impacts sur la santé des consommateurs
Les substances dangereuses détectées peuvent être lourdes de conséquences pour la santé humaine et environnementale. Certains dangers sont connus, mais d’autres restent à découvrir, en particulier les effets perturbateurs endocriniens, sous-étudiés. Voici quelques exemples.
Plomb : toxique à fortes doses (encéphalopathies, neuropathies, troubles digestifs, voire décès), reprotoxique, troubles du développement chez l’enfant (perte de QI, troubles mentaux), atteintes rénales, élévation de la pression artérielle…
Phtalates : perturbateurs endocriniens (troubles de la fertilité et du développement des organes sexuels masculins) et métaboliques, cancérogènes, risques d’atteintes hépatiques, de diabète de type 2, d’asthme…
Cadmium : cancérogène, mutagène et reprotoxique, troubles de la reproduction, atteintes rénales et osseuses, voire respiratoires, hépatiques, sanguines et immunitaires.
HAP : cancérogène.
Nickel : cancérogène et génotoxique, risques d’allergies, d’asthme, de dermatite.
Bore : troubles du développement testiculaire.
Nitrosamines : cancérogènes et génotoxiques.
Paraffines chlorées à chaîne courte : cancérogènes probables.
- Il s’agit des réglementations Reach et POP, et des directives RoHS et Jeux.